Quantcast
Channel: Notes du passé – L'Express de Madagascar
Viewing all articles
Browse latest Browse all 628

Mondain contre Lyautey et l’école laïque

$
0
0

Le 8 octobre 1897, le pasteur Mondain adresse au commandant Lyautey, chef du cercle militaire d’Ankazobe, deux lettres impératives (lire précédente Note). Dans la première, il exige la liste des Masoivoho dans la subdivision militaire. Dans la seconde, il lui reproche la laïcisation des anciennes écoles dirigées par les missions protestantes anglaises.
Se basant sur les propos du pasteur Meyer qui vient de visiter le Vonizongo, Mondain écrit, entre autres, que « les écoles de la région sont dans un complet état de laïcisation. À Ankazobe, certaines classes sont faites par un instituteur catholique et d’autres par un instituteur protestant qui, de la sorte, ne le sont plus ni l’un ni l’autre. En d’autres endroits (Mahavelona) notre instituteur protestant est seul, mais on lui a déclaré que l’école était laïque et qu’il ne fallait plus y donner de leçon d’histoire sainte. »
Mais Lyautey n’est pas homme à se laisser impressionner par la fermeté d’un correspondant. D’après Maurice Gontard, il se renseigne, en particulier  auprès de ceux qui ont vu le pasteur Meyer lors de son passage dans la circonscription. Il répond au pasteur Mondain le 20 octobre par une « lettre décisive » où il expose avec netteté le point de vue de l’Administration.
Concernant la première lettre, il déclare que « c’est à vos représentants dans les villages où vous avez des écoles à savoir à quelle circonscription militaire elles appartiennent. Renseigné par eux, vous n’avez qu’à présenter vos candidats pour les fonctions de Masoivoho, conformément aux prescriptions du gouverneur général. Pour éviter tout retard, je délègue aux commandants des secteurs de Manankasina, Fihaonana et Ankazobe le droit de procéder à ces nominations sur vos propositions. »
Pour ce qui est de la laïcité des écoles, « les faits cités par votre lettre même apportent le meilleur témoignage: mon cercle a été jusqu’ici préservé des discussions religieuses et je ferai tout mon possible pour y maintenir cette situation ».
Le même jour, un rapport explicatif qu’il adresse au général Gallieni rend compte à son chef de son attitude. Il l’accompagne des deux lettres qu’il a reçues de Mondain et de sa réponse, et donne la raison de sa conduite.
D’emblée, il souligne les points qu’il trouve « extraordinaires » dans les deux lettres de Mondain. Le premier est sa « prétention de vouloir me donner des ordres » et « son mode d’envisager la question scolaire ».
Expliquant sa réaction, le commandant Lyautey précise que les écoles dont parle Mondain, sont des établissements officiels français laïcs, où des instituteurs malgaches secondent les soldats. « Je n’empêche nullement qui que ce soit de donner l’instruction religieuse hors de l’école et je n’empêche aucune mission, catholique ou protestante, de créer et de construire des écoles à elles pourvu qu’elles y enseignent le français. »
Pourtant Mondain « exige » de  rendre immédiatement à chacun ce qui lui appartient, remettre l’instituteur catholique dans son école catholique et l’instituteur protestant dans son école protestante afin que chacun y enseigne ce que les missionnaires de chaque culte lui diront d’enseigner. Mais Lyautey rétorque que les établissements qui existent à Ankazobe, « ont été entièrement créés par moi, dans des locaux spéciaux et nouveaux qui n’appartiennent qu’à l’État».
Et comme Mondain signale la visite du pasteur Meyer, Lyautey précise que, selon son chancelier, à
son passage, Meyer apprend que « notre » école est dirigée en première classe par le maître d’école rétribué (catholique), en deuxième classe par le maître d’école protestant, « le tout avec le concours des maîtres militaires (…) Cela lui a paru parfaitement logique, étant admise la nécessité de faire du français: il appelait cela une école
française ».
Le commandant du cercle conclut sa lettre sur la nécessité de poursuivre sur son territoire la politique de neutralité. Il n’a à craindre aucun désaveu d’un chef dont il applique strictement la politique. Et d’ailleurs, comme les plaintes ne proviennent pas uniquement d’Ankazobe, dans ses rapports à Paris, le gouverneur général manifeste son mécontentement en parlant de ces « pasteurs jeunes et inexpérimentés », de la « naïve ardeur de leur zèle » et demande au ministère que l’on n’accorde plus de visa aux membres des missions sans avoir pris son avis « afin de ne pas entraver notre liberté d’action ».


Viewing all articles
Browse latest Browse all 628

Trending Articles