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Channel: Notes du passé – L'Express de Madagascar
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La guerre des religions dans l’enseignement

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Avant l’occupation française en 1895, les missions protestantes ont une position prépondérante à Antananarivo et sur les plateaux centraux. L’une d’elles, la London Missionary Society prend rapidement l’avantage depuis 1869, année de la conversion de Ranavalona II et de son Premier ministre Rainilaiarivony.
L’installation du protectorat français en 1885 ne modifie pas de manière sensible la situation. En 1895, la LMS compte 900 communautés en Imerina, 499 en pays betsileo, avec de nombreuses écoles. En parallèle, l’action des missions catholiques dirigées par les Jésuites est entravée malgré les traités franco-malgache et anglo-malgache qui stipulent la liberté du culte et de la prédication. La conversion de la Cour au protestantisme éloigne du catholicisme les personnages influents.
Cependant, la religion catholique reste un « antagoniste sérieux ». « Par suite de la nationalité dominante des représentants des deux cultes, les Malgaches considéraient les protestants comme anglais, les catholiques comme français » (Maurice Gontard, 1970).
En 1896-1897, les missions catholiques victimes sous la monarchie de la partialité de l’Administration, comptent sur l’occupation française puis la transformation de l’Île en colonie pour affermir leur prestige, étendre leur influence et établir leur prépondérance. Les missionnaires comme les instituteurs catholiques répandent l’idée « qu’avec l’intervention française, quiconque ne serait pas catholique pouvait être considéré comme rebelle ».
En 1896, nombreux sont les Malgaches effrayés par ces propos qui se convertissent. Des villages entiers changent de religion, transforment le temple en église, pendant que l’école protestante se vide d’une partie importante de ses effectifs au profit de l’école catholique.
Sur le plan scolaire, les missions désignent des Masoivoho (litt. yeux dans le dos), des surveillants qui sont officiellement chargés de contrôler, dans les écoles de leur religion, l’exécution des prescriptions relatives à l’inscription des enfants à l’école et à la fréquentation des classes. Stimulés par leur mission, les Masoivoho sont devenus en fait des recruteurs et s’efforcent de peupler l’école de leur confession aux dépens des établissements rivaux, pratiquant le prosélytisme. « La bataille autour de l’école doublait et exaspérait la bataille religieuse. »
Le général Gallieni ne veut pas favoriser une confession quelle qu’elle soit. Comme l’écrit un colonel commandant de cercle: « Les catholiques ont pu être opprimés jusqu’ici, mais nous ne devons pas leur permettre de devenir oppresseurs si nous voulons arriver à l’apaisement général. »
Sur le plan scolaire, le gouverneur général estime que, pour échapper aux luttes religieuses, il faut développer un enseignement public neutre. Il prescrit à ses collaborateurs de travailler dans ce sens, comme il le dit dans son rapport de septembre 1898. « Il est bon d’apprendre aux Malgaches, auxquels les dissentiments des diverses missions donnent trop souvent des idées de haine, qu’il existe des écoles sur les bancs desquelles peuvent s’asseoir indistinctement catholiques et protestants. »
Dans l’immédiat, pour éviter les excès des Masoivoho, l’Administration définit leurs attributions et leur interdit « toute pression et toute propagande religieuse». Elle intervient, en outre, dans la désignation de ces agents scolaires qu’elle nommera désormais sur la présentation des missions. Ainsi, les Masoivoho devront rendre compte de leur action aux autorités administratives.
Toutefois, Gallieni ordonne l’introduction de la langue française dans les écoles. Cette disposition favorise les catholiques. La LMS décide de remettre ses écoles en Imerina à la Société des missions évangéliques
de Paris. De jeunes pasteurs français arrivent à Madagascar. Ils engagent immédiatement la contre-attaque religieuse et scolaire.
Comme l’explique le Général dans son rapport du 11 septembre 1897, « ils s’indignent contre les catholiques, tiennent dans les temples des propos violents réveillant ainsi des haines assoupies, rendant de plus en plus difficile la tâche des autorités administratives et compromettant gravement le succès de l’œuvre d’apaisement et de pacification que nous avons entreprise ».
Parmi ces jeunes pasteurs français figure Mondain, directeur des écoles de la Mission protestante française. Il se signale aussitôt par une activité débordante et « une extraordinaire ardeur combative ». Il multiplie les lettres aux autorités, gouverneurs malgaches et commandants des cercles militaires, pour se plaindre des pressions exercées par les uns et les autres sur les protestants malgaches afin qu’ils changent de religion ou d’école. Entre autres, il s’attaque au commandant Lyautey qui rejoint Madagascar en mars 1897 à la demande du gouverneur général et qui dirige le cercle d’Ankazobe.


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