Pour rédiger ses « Notes sur Madagascar , (Côte Est et Imerina)», Jacques de La Salle emprunte la plume d’Unienville auquel il dicte ses mémoires. S’il dicte ceux-ci en 1816, il a surtout connu l’Imerina sous le règne d’Andrianampoinimerina (1783-1810), le roi qui, pour la première fois, organise la vie de ses sujets. C’est ainsi qu’il peut expliquer que depuis ce monarque, la police et l’ordre sont établis, car avant lui, le vol, « même des individus » y est très fréquent.
Pour la première fois également, les marchés, hebdomadaires comme quotidiens, sont réglementés. Tout se vend au poids et à la mesure, précise-t-il. On trouve de nombreux produits dans les marchés, du bœuf, du sel, de l’ail, de vivres, des outils, des bijoux, etc. D’après H.-C. Hébert qui présente ces « Notes recueillies par d’Unienville », dans le numéro du premier semestre 1980 de la revue historique Omaly sy Anio, la présence de l’ail sur les Hauts-plateaux a frappé tous les observateurs, même si Parat l’a signalé déjà dans son Mémoire à Pontchartrain (1714).
La Salle décrit aussi la case du roi, faite en planches, et il indique que c’est la seule à être ainsi construite. D’Unienville, dans son Essai sur Madagascar apporte des renseignements complémentaires à ceux de La Salle : « La capitale Tananarive, où le roi, logé dans une maison faite en planches, est servi en vaisselle d’argent et possède un arsenal d’au moins 20 000 fusils… »
Poursuivant sa description, La Salle évoque aussi le mode de vie du simple sujet et des difficultés occasionnées par « le bois qui est si rare qu’on ramasse la paille du riz, la bouse de vache et les herbes pour se chauffer ». D’Unienville apporte également plus de détails sur le sujet dans son « Essai… ». « L’Hova vit sous un gouvernement très absolu : il tient cependant au sol qu’il est obligé d’arroser de sa sueur ; il manque de bois dans un pays élevé où le froid est assez vif depuis juin jusqu’en septembre ; il se chauffe avec des pailles du riz qui le nourrit, avec la bouse des vaches qu’il élève et avec les herbes dont il débarrasse ses champs, qui lui ont coûté de l’argent, qui sont sa propriété et qu’il affectionne parce qu’ils seront l’héritage de ses enfants. »
Les Notes citent les deux ou trois castes ( ?) qui, selon La Salle, occupent le pays des Hovas, au nord les « Antanzafé » ; à l’ouest les « Manissuts », peuplade noire et anciens esclaves du roi qui en ont secoué le joug ; vers le sud de la capitale, «Amboilhambo », peuple venu avec le premier chef nommé Ralambo « qui signifie cochon, dont les suivants prirent le nom d’Ambou chien, ou chien de cochon » ;
et les « Antemambous » au sud-ouest près d’Andrantsay.
D’après Hébert, il est difficile de traduire le premier terme, à moins de le comprendre comme « Antazafy » donc « au pays des petits-enfants », sans pour autant en être sûr. Quant au second mot, il s’agit des Manisotra, anciens esclaves révoltés qui se défendent courageusement contre l’hégémonie d’Andrianampoinimerina en Imerina. Ils succombent finalement à Ambohijoky. « Amboalambo » est le nom donné par les Sakalava aux Hova, mais qui, écrit H. Deschamps dans son « Histoire de Madagascar », est une simple transformation à intention injurieuse des mots « Valambo ou Balambo qui désignaient autrefois ce peuple ».
Pour ce qui est de « amboa » (chien) et de « lambo » (cochon), Hébert précise que c’est l’étymologie du sobriquet, mais l’étymologie véritable devrait être recherchée dans une décomposition du mot « Am-boalambo ou pays des Voalambo » qui sont peut-être les « soumis par Ralambo ». Quant aux « Antemambous », il faut comprendre Antemenabe, ceux du Menabe, le pays que Lebel situe proche de l’Imamo et faisant partie de l’Andrantsay.
Après l’Imerina, La Salle se dirige vers ce territoire, « actuellement sous la domination des Hovas et en suivent les coutumes ». Ce pays correspond au Vakinankaratra actuel ou Betsileo du Nord dans l’ancien temps. La Salle prévient qu’on n’y voyage pas en sûreté, « des peuplades du bord de la forêt, de la partie Santoumnoufia, Vahia, Antareys y faisant de fréquentes incursions à la manière des brigands et par petites bandes ».
Explication apportée par Hébert : les Satoumoufias sont à l’époque les « gens sans aveu, hors la loi » dans la région de Mahela, tandis que Vahia et Antarey sont des peuplades non identifiées.
Texte : Pela Ravalitera - Photo : Archives personnelles