Quittant la côte Est malgache, les Notes sur Madagascar» du traitant Jacques de La Salle recueillies par d’Unienvielle en 1816, pénètrent dans le Centre de la Grande ile. J.-C. Hébert continue d’en donner des extraits dans la revue historique Omaly sy Anio du premier semestre 1980.
La Salle, en décrivant les peuples de l’intérieur, cite les Bezanozano, les Antantsianaka (Sihanaka), les Hova pour les Merina et les Andrantsay ou Betsileo. Bezanozano et Sihanaka vivent en républiques dans lesquelles chaque chef de village est maitre chez lui. Les villages des Bezanozano sont sur des hauteurs entourés de fossés et de palissades, « ce qui ne les a pas empêchés d’être subjugués par les Hovas ». Tandis qu’Andrianampoinimerina peut vaincre les Sihanaka en pénétrant sur leur ile établie au milieu de son lac « au moyen d’une grande quantité de pirogues ».
Les Notes de La Salle accordent une grande place aux Hova, plus exactement aux Merina. Elles débutent par « le pays d’Ancove ou des Hovas du Nord réunis avec les Hovas du Sud autrement dit Antanpatana (Antampatrana) est sous la domination d’un roi absolu (1783-1810) dont la résidence est à Antananarivo ». La Salle décrit le peuple comme étant « le plus guerrier et le plus industrieux de toute l’ile, très commerçant, laborieux, ayant déboisé son pays pour planter des vivres ».
L’auteur des Notes remarque que les Merina conduisent et maitrisent les eaux par les canaux et le pays est rendu fertile par leur travail. L’aïeul (Andriamasinavalona) du roi actuel (en 1816 c’est Radama Ier, fils d’Andrianampoinimerina) fait construire deux digues sur la rivière Ikopa pour assécher le marais et arroser des rizières. L’Imerina
produit du riz, des haricots, des ambrevades, mais possède peu de bœufs qu’ils prennent chez les Sakalava. En revanche, ils ont beaucoup de moutons et de cabris. « Le roi ne mange pas de porc, mais le peuple en fait usage. ». J.-C. Hébert commente : « Cette remarque est très intéressante et tendrait à prouver que l’interdit était d’origine récente et étrangère. D’Unienville, jugeant peut-être l’information douteuse, ne l’a pas reproduite dans son Essai. »
Poursuivant la description, La Salle parle de culture de coton et de bananiers qu’ils utilisent pour fabriquer des étoffes. Ils élèvent aussi une sorte de ver à soie sur les ambrevades, dont ils tirent des fils pour faire du tissu et qu’ils travaillent avec art. « Au pays des Hovas, on trouve également de la vigne qui produit d’assez bon raisin (ce que Mayeur avant lui et d’autres auteurs par la suite signalent) et des limonadiers dans les collines. » Les marchés y sont très bien organisés.
Dans le Sud-ouest du territoire, on trouve des mines de fer très riches qu’ils emploient pour forger toutes sortes d’outils dont ils font commerce. « Ils font de la monnaie et contrefont les nôtres. » Jacques de La Salle le fait déjà remarquer en 1787, ainsi que Mayeur dix ans plus tôt et Dumaine en 1790. Ils travaillent aussi l’or, l’argent et le cuivre avec beaucoup d’art, mais ne font pas de poudre. « Cette poudre leur vient de Mascate par les Arabes, mais ne vaut rien », ce que les propos de Lebel recoupent.
La Salle affirme que « le roi est héréditaire, a droit de vie et de mort sur son peuple qui est esclave du roi, mais il a la propriété de la terre qui s’y vend souvent fort cher ». À l’époque, précise Hébert, « c’est seulement chez les Merina que la terre se vendait à prix d’argent ». Leurs villages sont très nombreux, très rapprochés, la population est considérable. Ces villages sont fortifiés par deux à trois fossés successifs très profonds jusqu’à 40 pas de largeur. « La couleur (de peau) est mélangée de noir et d’olivâtre, les premiers à cheveux crépus, les autres à cheveux longs. »
Par ailleurs, ce n’est point l’enfant du roi qui hérite de la couronne. « C’est le premier enfant mâle de la plus proche parente. C’est pourquoi, ordinairement le roi épouse la fille de sa sœur ce qui assure la couronne à ses enfants. » L’ethnographe Hébert commente : « Cela indiquerait que le système matriarcal commandait jadis la dévolution à la couronne. En fait, la règle est plus compliquée et ce n’est pas le neveu utérin qui succède automatiquement au roi défunt. » Dans le cas de neveux, « le roi s’en venge en faisant couper la tête ou sagayer 50 de ses sujets plus ou moins. »
Texte : Pela Ravalitera - Carte: J.-C. Hébert