Sylvain Roux rédige en 1813, à la demande du nouveau directeur français des Colonies, Edme Mauduit, deux Notes qui devraient permettre à ce dernier de préparer une Note en Conseil. Celle-ci devra fixer la position du gouvernement sur les problèmes malgaches.
La première de ces Notes traite de la légitimité des droits de la France sur Madagascar et des difficultés suscitées par la Grande-Bretagne pour la reconnaissance de ces droits. Sylvain Roux estime, dans le cas où l’hostilité anglaise serait un empêchement à la création d’établissements français à Madagascar, « qu’il pourrait être utile d’entrer en négociation avec le gouvernement anglais ». Il envisage la cession à l’Angleterre de la partie Nord sur la côte Est, « depuis le cap Nord de l’île jusqu’à la pointe Sud du cap de l’Est». C’est-à-dire les baies d’Andravina et de Vohémar et le port d’Angotsy.
La seconde note apporte divers éclaircissements sur la première et présente « un intérêt certain ».
Sylvain Roux envisage encore la rétrocession pure et simple par le gouvernement anglais des établissements français à Madagascar, mais il semble ne pas y croire. Il en revient ainsi à l’idée de l’abandon d’une certaine partie de la côte Est. Selon lui, cela permettrait de traiter en position de force, en exigeant en particulier que les Anglais renoncent à entretenir à Madagascar, « des agents commerciaux ou diplomates » dont, d’ailleurs, ils ne sauraient que faire, n’en ayant nul besoin.
Il relate aussi les propos d’Armand Louis Maurice baron Séguier, consul général à Londres, sur la reconnaissance des droits français sur Madagascar qui serait approuvée par le gouvernement britannique. Aussi, fait-il remarquer, « nous devons ne nous attendre qu’à quelques difficultés de la part de Sir Robert Farquhar, le seul qui regrette et regrettera toujours de ne pouvoir s’étendre autant qu’il l’aurait désiré sur cette île ».
Comme à l’époque, Farquhar et Séguier sont à Paris, Sylvain Roux suggère d’inciter le dernier à dire « où en sont les choses en Angleterre » et le premier devra s’assurer, d’une manière positive, qu’il exécutera les ordres de son gouvernement en février 1817, « relatifs à la rétrocession pure et simple de tous nos comptoirs ».
Mais il ne suffit pas que les bureaux parisiens décident la réoccupation des comptoirs français de Madagascar. Il faut que la totalité de l’administration française en manifeste aussi l’intention. Et ce n’est point la détermination de tout le monde. Il faut ainsi compter sur la position prise par l’administration des douanes de Bourbon, dirigée par Sollier de la Terrière. Tout le XIXe siècle « montre dans l’histoire coloniale française d’aussi extravagantes et stupides décisions émanant des services financiers » (Jean Valette).
Dans le texte de Sylvain Roux, l’archiviste-paléographe relève l’existence « jusqu’alors non attestée » du colon Carol, installé à Sainte-Luce, de son exploitation agricole et des possibilités d’écoulement sur les marchés bourbonien et métropolitain, de certaines productions malgaches. Ces quelques données, précise Jean Valette, s’ajoutent « à nos actuelles connaissances de l’économie de l’époque ».
En apprenant que les Français sont venus réclamer les anciens comptoirs, il veut introduire dans cette île vingt tonnes environ d’une espèce de tabac provenant de ses plantations. Mais avant de l’introduire, il veut connaître les droits qu’il aurait à payer. Le directeur des Douanes l’adresse au gouvernement de Maurice qui « détermine que, Madagascar faisant toujours partie des dépendances de l’Île de France, on ne pouvait mettre des droits sur des objets provenant des dépendances ».
En passant à Bourbon, Carol reste convaincu qu’au retour de Sylvain Roux à Saint-Denis, les Anglais ne se considèreront plus comme propriétaires des comptoirs français à Madagascar. Il décide alors de poser la même question à Sollier de la Terrière qui répond « qu’il y aurait un droit sur tous tabacs introduits et venant de Madagascar ». « Nous ne devons pas nous douter qu’il aura porté ses tabacs à Maurice ! Bourbon et, par la suite peut-être, nos vaisseaux se trouvent privés d’un retour qui, en peu de temps, aurait pu devenir très intéressant pour notre commerce. »
Et Sylvain Roux de conclure que, par la mesure adoptée à Bourbon de faire payer des droits assez forts sur les denrées et marchandises venant de Madagascar, il en résulte « un abandon presque certain de tout commerce de ce pays avec Bourbon ». Commerce qui, au contraire devrait par tous les moyens être très encouragés.
Pour terminer, citons ce commentaire de Jean Valette : « Il faut reconnaître le bien-fondé de cette remarque de Sylvain Roux. Mais le XIXe siècle- et sans doute aussi le XXe siècle- a montré de multiples exemples d’administrations ignorant les buts poursuivis par d’autres administrations et les combattant avec autant d’ardeur que d’opiniâtreté, et souvent en agissant à l’encontre des ordres reçus. »
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Deux Notes pour la reconnaissance des comptoirs français dans la Grande île
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