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Channel: Notes du passé – L'Express de Madagascar
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La politique de bascule du Premier ministre Rainilaiarivony

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Si, en matière de politique intérieure, le Premier ministre du gouvernement royal, de 1864 à 1895, Rainilaiarivony fait preuve de beaucoup de sagacité, il a à jouer un rôle très difficile et très délicat dans les relations avec les nations étrangères. Il s’appuie, sans trop les favoriser, sur les Anglais et a, plus d’une fois, maille à partir avec la France « envers laquelle il est cependant faux de dire qu’il eut une continuelle attitude de mauvaise foi et de vexations » (Régis Rajemisa-Raolison).
Cependant, on lui reconnait une attitude de grande défiance à l’égard des Français, concernant notamment le traité du 17 décembre 1885 qui met fin à la première guerre franco-merina. La cause de celle-ci, rappelons-le, est la revendication de la succession de Jean Laborde, décédé le 20 décembre 1878, par le gouvernement royal. Ce, en vertu du principe immémorial établissant que la terre appartient à la Reine (ou au roi) et qu’aucun parcelle ne peut être cédée à des étrangers.
Habilement préparé par l’amiral Miot et Patrimonio, le traité de 1885 est (volontairement  ) mal rédigé et maintient une certaine confusion. Mais « ce qui est le plus grave, il est accompagné d’une dangereuse note explicative des parlementaires français » (Roger Pascal).
Le texte stipule, entre autres choses, que Diego-Suarez est cédé en toute propriété à la France et qu’un résident français s’installera à Antananarivo. Et surtout, sur la question des exéquaturs des consuls et agents étrangers, le traité exige du gouvernement malgache  de reconnaitre au résident français le droit d’intervenir dans ses relations avec les puissances étrangères.
Pourtant une ambigüité plane dans le texte en malgache. En français, il est dit que le gouvernement français représentera Madagascar « dans ses relations extérieures ». Mais ces termes sont traduits dans la version malgache par « à l’étranger ».
Le Premier ministre ne manque pas d’y saisir une nuance d’importance et refuse de recevoir une requête que le consul américain, M. Waller, adresse d’abord au résident français. Par la suite, les diplomates étrangers demandent leur agrément à Rainilaiarivony et non à Lacoste.
Cela se passe en 1890, mais le gouvernement français ne réagira qu’en 1894, quand il y voit une violation du traité. Ce n’est qu’un prétexte pour déclencher une deuxième guerre franco-merina pour, dit-on, imposer le respect du texte de 1885. Elle deviendra, en fait, la campagne décisive de 1895 favorisée par l’attitude de Rainilaiarivony qui n’ose prendre position ouvertement. Ce qui n’aurait, sans doute, rien changé puisqu’après la chute d’Antananarivo, le 30 septembre 1895, il est question de protectorat, puis d’annexion le 6 août 1896.
Néanmoins, certains historiens tendent à « reprocher » au Premier ministre d’avoir, par sa politique, favorisé le protectorat puis l’annexion de Madagascar par la France. Selon Régis Rajemisa-Raolison, durant trente ans, il réussit à se maintenir par « sa politique de bascule entre l’Angleterre et la France. L’heure vient, en 1894, où il aurait dû jouer franc-jeu pour sauver ses intérêts et ceux de son pays. Mais il n’ose pencher ouvertement d’un côté ni de l’autre, par crainte de ses puissants opposants ». Et c’est là, on peut le croire, la cause de son échec quasi total à une période où, sans nul doute intrigues, trahison, félonies se multiplient autour de lui.
En outre, aux mobiles ordinaires de l’expansion coloniale française après 1871, s’ajoute pour Madagascar, un élément d’importance, l’intervention des Réunionnais.
La France a, au XVIIe siècle, occupé et peuplé les Mascareignes. Voisines de Madagascar, l’ile de France (Maurice) et l’ile Bourbon (La Réunion) présentent une grande valeur stratégique sur la route des Indes. Aussi, après les guerres de l’Empire, les Anglais se font-ils céder la première. Ils ont l’habileté de confier cette nouvelle conquête, peuplée de Français, à un gouverneur qui est français par sa mère, Sir Robert Farquhar.
« L’homme sait, par ses grande qualités, s’imposer à ses administrés » (Roger Pascal).
Madagascar, avec ses grands espaces et ses ressources en viande et en esclaves, est indispensable à l’économie de Maurice et de La Réunion. Les traitants de ces petites iles entrainent leurs métropoles dans leurs rivalités. Dans ces conditions, on ne peut s’étonner de voir les députés de La Réunion demander l’annexion pure et simple de leur grande voisine. Il s’agit en l’occurrence de MM. Mahy, dans son discours du 25 juillet 1885, et Brunet, dont
l’interpellation du 22 janvier 1894 est directement à l’origine de la campagne de 1895.


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