Mahajanga et Toliara, avec une superficie de 319 450 km², ne comptent que 1 459 500 habitants en 1960. Les quatre autres provinces, en revanche, avec une superficie moindre (217 340 km²) totalisent une population trois fois plus dense (3 840 000 habitants).
Les provinces d’Antananarivo et de Fianarantsoa sont à l’époque les plus peuplées- et le sont encore- et on est tenté de croire que les gens aiment les hauteurs et, en particulier, s’accrochent sur l’épine dorsale de Madagascar, cette chaine de montagnes qui le traverse du Nord au Sud. La réalité semble d’ailleurs le confirmer du fait de la dépopulation de Mahajanga et de Toliara, où les régions montagnardes de Mandritsara et de Befandriana-avaratra sont plus peuplées que les plaines de Morafenobe ou d’Ihosy.
Sur l’autre versant, oriental, les gens s’accrochent aussi sur les hauteurs et l’implantation de populations denses dans les plaines côtières est consécutive aux grandes périodes des ruées vers la vanille, le café, le girofle et les plantes à parfum, c’est-à-dire à une époque plus récente.
L’histoire nous rappelle pourtant, la prospérité de certaines dynasties antanosy, bara, vezo ou mahafaly dans le Sud. Et pendant longtemps, le royaume sakalava prend le pas sur le royaume merina. D’ailleurs, les statistiques d’avant 1925 considèrent encore les Sakalava comme étant les plus nombreux parmi la population. On pense que l’alcool et les maladies vénériennes ont raison de cette race robuste.
Cependant, on ne doit pas considérer ces faits comme les seules causes du dépeuplement des régions du Sud et de l’Ouest.
Depuis longtemps, ces peuples sont constitués de pasteurs. Leur apogée se situe au moment de la prospérité de la Compagnie des Indes, dont ils sont les grands pourvoyeurs de bovins et aussi d’esclaves.
Grands éleveurs, les Sakalava, les Bara, les Antandroy… ne se soucient que d’avoir un bon pâturage. Ce qui explique leur vie semi-nomade à la recherche de bonnes herbes pour les troupeaux, et aussi l’incendie périodique de vastes étendues boisées, en vue d’avoir de jeunes pousses, dont les bêtes sont très friandes. Mais en même temps, les grandes végétations sont détruites, la terre perd ses protections naturelles contre les intempéries. L’eau ruisselle alors et se perd.
« Et déjà, quand le sol est crayeux, son dessèchement ne va qu’en s’accentuant. La pluie même se fait rare alors que le soleil darde de ses plus beaux rayons, brûlant ce qui reste de végétations, laissant vivre à peine quelques ronces. Le pays se dénude. Les points d’eau se raréfient et tarissent. Le climat semi-désertique devient inévitable » (Dr Germain Rakotoarivelo, 1966).
La belle forêt de l’Ouest, comme dans un suprême effort pour éviter sa destruction
totale, « ramasse ses débris et les cache dans les vallées », au bord des grandes rivières. Mais inconscient du ravage qu’il commet, l’homme va, « comme pour suivre cette forêt », dresser aussi sa demeure là où il y a encore de l’eau, et donc de la végétation. Certes, il s’adonne à la culture, mais celle-ci est précédée de grands défrichements.
Si dans les années 60, l’incendie des forêts n’atteint pas, dans le Centre et l’Est, l’état catastrophique des régions occidentales et méridionales de l’ile, « il n’en est pas pour autant moins grave ».
« Dans certaines régions des Plateaux, des rivières encore importantes il y a quarante ans, se sont desséchées peu à peu pour être complètement taries en 1966. Et ils sont innombrables les anciens petits cours d’eau des montagnes qui ne sont plus maintenant que des gorges sèches et des rigoles sans eau. »
Depuis des décades, les dirigeants comprennent le danger provoqué par la destruction des forêts et s’efforcent de les protéger, mieux de les développer, de les étendre. « Mais chose curieuse, on a imposé et favorisé la plantation intensive d’arbres qui absorbent une quantité considérable d’eau, tels les filaos et, en particulier, les eucalyptus. »
Plus tard néanmoins, c’est la plantation de pins qui devient à la mode. « Mais peut-être que, quelque part, on a également pensé à essayer de replanter les arbres naturels du pays sur leur terre d’élection. Ce qui serait infiniment plus logique et plus souhaitable. » Surtout quand, dans la région de Périnet et ailleurs, la forêt naturelle est détruite pour faire place aux eucalyptus. « Nous en demeurons quelque peu perplexes. »
Texte : Pela Ravalitera – Photo : Archives personnelles