En juin 1886, le Premier ministre Rainilaiarivony signe avec l’Anglais Kingdon un contrat par lequel ce dernier s’engage à prêter au gouvernement malgache quatre millions de piastres à 7%. En retour, il reçoit divers avantages dont le droit de créer une Banque d’État à Antananarivo, avec émission de billets et concession de la frappe de monnaie. En effet, le Premier ministre doit trouver les fonds nécessaires au paiement de
l’indemnité de dix millions prévue au traité du 27 décembre 1885 avec la France. « Le contrat prévoyait de faire frapper à Londres pour 50 000 piastres (250 000 francs) de monnaies divisionnaires d’argent (loso, kirobo, sikajy, lasiray) et de cuivre (voamena, ilavoamena, eranambatry, dimiventy, iraiventy) » (J. et S. Chauvicourt).
Pourtant, l’arrangement contredit les termes du traité de 1885 et l’affaire échoue après l’intervention du résident général de France, Le Myre-de-Vilers. Les financiers anglais ne perdent, cependant, pas tout espoir d’obtenir le privilège de la fabrication de la monnaie. En 1888, la New Oriental Bank, représentée à Madagascar par Kingdon, fait frapper à Londres une pièce à l’effigie de la reine.
C’est une monnaie d’argent de 24 mm de diamètre. À l’avers se voit l’effigie à gauche de Ranavalona III, couronne en tête avec la fronde circulaire « Ranavalo-Manjaka III Mpanjakan’ny Madagascar », grènetis. Au revers, on constate une couronne entre deux palmes fleuries nouées par un ruban ; dans le champ 1888 et inscription circulaire « Fanjakany Madagasikara » (Royaume de Madagascar), grènetis, tranche striée. Il existe un second type de revers sur lequel les palmes fleuries sont remplacées par deux gerbes de riz nouées par un ruban.
En 1889, des pourparlers sont engagés entre le gouvernement malgache et un ingénieur français, Rigaud. Ce dernier propose lui aussi au Premier ministre de fabriquer des monnaies divisionnaires d’argent, de cuivre et de nickel. Un contrat est signé le 22 décembre 1890, qui lui accorde « le droit exclusif de la fabrication et de la fourniture de cette monnaie pendant une période de vingt années ».
L’unité monétaire reste la piastre, la pièce de 5 francs français. La fabrication de la monnaie divisionnaire doit être exécutée à la Monnaie de Paris avec un titre d’alliage identique à celui des monnaies de l’Union latine. La valeur des pièces est celle établie par l’usage dans l’île, à savoir le « loso » 2fr50, le « kirobo » 1fr25, le « sikajy » 0fr625 pour la monnaie d’argent ; le « voamena » 0fr20 pour la monnaie de nickel ; le « ilavoamena » 0fr10, le
« varifitoventy » 0fr05 et le « variraiventy » 0fr007 pour la monnaie de cuivre. « Ce contrat fut enregistré à la Résidence générale de France à Tananarive. » Le concessionnaire s’engage à faire un échantillon de chaque pièce « étant entendu qu’il ne sera donné suite à la fabrication de la monnaie tant que les échantillons n’auront pas reçu l’approbation de Rainilaiarivony, commandant en chef ».
Un architecte diplômé de l’École des Beaux-arts de Paris, Ramanankirahina, est officiellement chargé d’exécuter le portrait de la reine. Dans un rapport du 17 décembre 1890 adressé au ministre des Affaires étrangères, le résident général Bompard écrit :
« La reine se préoccupe beaucoup de son effigie et c’est ce point seul qui retarde la signature de l’acte. Elle n’a pas voulu se faire photographier à cause de la trop grande exactitude de ce procédé et depuis six mois, elle se fait représenter par son peintre ordinaire, M. Ramanankirahina. Celui-ci a déjà fait douze portraits différents de la reine qui ne se déclare pas encore satisfaite. »
Concernant l’émission et la préparation des espèces à l’intérieur de la Grande île, Rigaud dispose des caisses publiques du gouvernement malgache qui ne comprennent en réalité, que les douanes. Il croit alors devoir intéresser à son opération le Comptoir national d’escompte de Paris qui, par ses succursales et certains postes de douane dont il a la gestion, est pour lui un auxiliaire précieux et presque indispensable. Un contrat est signé avec l’établissement. Par la suite, celui-ci négocie avec Rigaud la cession de son privilège moyennant une somme de 300 000 francs payable à l’introduction des premières monnaies, et le partage par parties égales des bénéfices ultérieurs.
En février 1891, l’atelier de Paris exécute deux coins et les épreuves pour argent et bronze sont suivies en juin de la même année par sept nouveaux coins et les pièces correspondantes prévues au contrat, soit trois pièces d’argent, une de nickel et trois de cuivre. La reine ne trouve toujours pas son effigie « suffisamment flattée » et Rigaud doit recommencer les spécimens à plusieurs reprises. Le 29 juillet 1892, le Premier ministre lui écrit : « En ce qui concerne le portrait de Sa Majesté sur la monnaie divisionnaire, je regrette bien de vous dire qu’elle tient absolument à voir son portrait bien fait et, à ce sujet, j’aurai encore beaucoup de détails à vous communiquer que je ne peux coucher par écrit. »
Après bien des négociations, l’autorisation est enfin accordée le 8 août 1894, par l’intermédiaire de Razanamahery, secrétaire-interprète du Premier ministre. « À la suite de votre audience, le Premier ministre a parlé à Sa Majesté qui accepte son portrait ; vous pouvez donc commencer à faire fabriquer la monnaie comme cela a été convenu avec le Premier ministre. »
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Des monnaies de collection à l’effigie de Ranavalona III
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