Redonner «une vie réelle aux Fokonolona » est, selon le haut-commissaire Pierre de Chevigné la base du développement. C’était en ouvrant la session ordinaire de l’Assemblée représentative, le 31 mars 1948. Un an après les tragiques évènements nés de l’insurrection du 29 mars 1947, il précise « que dans ce territoire qui traverse aujourd’hui de rudes épreuves, il ne sera fait qu’une seule politique, celle de la France et de l’Union française ». Il promet alors aux deux populations, européenne et malgache, de rétablir entre elles une confiance mutuelle et surtout, aux Français que l’œuvre française dans la Grande île sera consolidée. « L’Administration, l’Armée, la Colonisation ont trop fait pour Madagascar pour que, dans un moment de défaillance, leur œuvre soit abandonnée ou même compromise. »
Après avoir rappelé l’évolution politique suivie par le citoyen des
« grands pays démocratiques », il constate qu’à Madagascar le processus est inverse. À la fin de la Deuxième guerre mondiale, « le peuple malgache députe au Parlement français des représentants qui tranchent des intérêts suprêmes de la Métropole, de l’Union française ». Pourtant, il ne connaît pas la gestion de ses intérêts personnels immédiats, c’est-à-dire ceux de ses collectivités locales, qui sont gérés par des fonctionnaires « sur la désignation desquels il n’a rien à dire ».
Arrivé le 8 mars 1948, le haut-commissaire indique qu’il tient à y apporter un grand changement pour que tout Malgache ait sa part de responsabilité dans la marche des affaires de la collectivité locale dont il fait partie. Pour ce faire, il compte supprimer les « écrans » entre chefs de district et population, les premiers ne devant déléguer leur autorité sans contrôle sérieux. Il incite les membres de l’Assemblée représentative à se pencher sur la mise en œuvre de ce projet déjà en chantier. Les premières réalisations se feront sous le signe du réalisme puisqu’il est « impossible » de prévoir un régime uniforme pour toute l’île. Il faudra ainsi « faire preuve d’empirisme et de souplesse » pour s’adapter aux conditions régionales afin que le peuple malgache continue à progresser sur sa route,
malgré la halte qu’il a dû faire « par la faute de ceux qui, jouant les apprentis sorciers, ont plongé une partie de l’île dans une anarchie génératrice de crimes et de ruines qui, à tous sans exception, n’a apporté que du malheur ».
Ce qui amène Pierre de Chevigné à aborder la pacification et sa première tournée d’inspection, car il ne compte pas être « un haut-commissaire sédentaire ». Le but de l’inspection est de se rendre compte sur place de l’évolution de la situation militaire là où « la rébellion est présentement la plus active », mais aussi de s’assurer des progrès réalisés en matière de pacification et des moyens à lettre en œuvre pour l’accélérer. Il choisit le quadrilatère Antananarivo-Fianarantsoa-Manakara-Brickaville qui englobe
« la zone forestière difficilement perméable où les rebelles, repoussés de toutes parts à la suite du dégagement de la zone côtière, des voies ferrées Tananarive-Tamatave-Fianarantsoa-Manakara et de la route Tananarive-Fianarantsoa, se sont réfugiés et reconstitués ».
Le haut-commissaire constate que la situation militaire apparaît bonne dans l’ensemble. Les forces armées implantent dans la zone concernée, une série de postes qui, tout en assurant la sécurité des points sensible (ponts, bacs, routes, chemins de fer) et des centres urbains, enserrent étroitement la zone rebelle et permettent d’y faire de plus en plus d’incursions destinées à séparer les
« ennemis », à le détruire et « à ramener les populations entraînées de force ».
Sa première constatation est que l’effectif de ces postes ne peut être réduit au risque d’une recrudescence de l’insurrection. Son deuxième constat porte aussi sur les nombreux postes statiques qui pourront être remplacés par des unités de la Garde indigène. Mais en attendant, pour accélérer les opérations de pacification, « j’ai, d’ores et déjà, décidé la relève d’un certain nombre de postes tenus par des unités militaires par la Garde indigène. Cette mesure va permettre d’entreprendre à bref délai une série d’opérations de nettoyage dont j’attends les meilleurs résultats ».
Pierre de Chevigné remarque également que la plupart des unités s’adaptent à la mission de pacification qui leur incombe, malgré les difficultés dues au terrain et à la dureté du climat. Dans certains secteurs, ils déploient de grands efforts pour la réfection des routes, des ponts, la construction de pistes, de terrains d’aviation et de cantonnements. « J’ai prescrit de passer ces travaux en accord avec les autorités civiles locales, car ils conditionnent la réalisation de l’œuvre de pacification en cours.» D’autant qu’il mise sur ces réalisations qui permettent d’implanter des postes de plus en plus avancés et de se libérer de regrettables transports à dos d’hommes et des parachutages très onéreux de colis.
Durant sa tournée, le haut-commissaire s’intéresse enfin à l’état sanitaire des troupes, en général bon malgré la saison chaude.
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Pierre de Chevigné ne fera que la seule politique française
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