Ny Fandrosoam-baovao , organe des nationalistes modérés merina, a foi en la justice, en la générosité et en la grandeur de la Métropole. Lucile Rabearimanana, dans son étude axée sur le journal, affirme que celui-ci est partisan d’une politique condamnant l’emploi de la force et prônant le respect de la légalité. « Il n’est donc pas étonnant que le journal critique violemment les prétendus responsables et les auteurs de l’insurrection » (lire précédentes Notes).
Selon l’historienne, la responsabilité des évènements de 1947 est difficile à déterminer. L’administration coloniale- et les colons et le Parti des déshérités de Madagascar, Padesm, derrière elle- proclame officiellement, dès le début de l’insurrection, la responsabilité des parlementaires et du Mouvement démocratique de la rénovation de malgache, MDRM, dans son ensemble. Les défenseurs du parti, dont de nombreuses organisations de la gauche française, en revanche, soutiennent qu’il s’agit d’une provocation de l’administration coloniale destinée à mâter le mouvement nationaliste malgache. Une troisième thèse, défendue en particulier par Jacques Tronchon, affirme que les évènements de 1947 constituent une insurrection menée par les organisations secrètes comme Panama et Jina.
Ny Fandrosoam-baovao, pour sa part, profite des circonstances pour s’attaquer à ses adversaires politiques de longue date. Joseph Ravoahangy-Andrianavalona est celui qui « a trahi la cause de l’indépendance ». Jacques Rabemananjara « n’est qu’un démagogue et un peureux »… « Ses critiques continuent donc, même en cette période où la lutte de l’indépendance se trouve dans une passe difficile. » D’ailleurs, commente Lucile Rabearimanana, dans l’histoire du nationalisme malgache, l’on constate que les militants sont toujours divisés en factions rivales, chacune étant, en outre, déchirée par des dissensions internes. « Les unions s’avèrent rares et éphémères jusqu’en 1960 où l’indépendance est accordée par la France, et même après. »
L’historienne souligne que, dès avant le Front populaire, l’équipe du journal s’oppose à celle des partisans de Ralaimongo qui constitueront la direction du MDRM. « Les divergences concernent non seulement les objectifs politiques, mais également les tactiques de lutte. Les clientèles diffèrent aussi. » Ainsi, ces critiques lancées par le journal à l’encontre des parlementaires ne se justifient que par des divergences politiques, tout en montrant à l’administration coloniale que le PDM « n’a aucune responsabilité dans les évènements ».
Toutefois, Ny Fandrosoam-baovao se garde de toute attaque directe contre le MDRM en tant que parti. Il conserve, malgré tout, sa modération habituelle ne voulant pas attiser davantage les passions enflammées par la situation dramatique et par la colère non contenue des colons français et des membres du Padesm. Car tandis que l’offensive des troupes gouvernementales progresse de plus en plus en territoires insurgés, dans les grandes villes et dans la capitale, en particulier, Padesm et représentants des colons français s’acharnent non seulement contre le MDRM, mais encore contre les Merina, en général. Voici ce qu’écrit Pierre Boiteau (Contribution à l’histoire de la Nation malgache, 1958) : « Une véritable frénésie hystérique s’était emparée des colonialistes. Ils ne se contentaient pas de parcourir les rues, armés jusqu’aux dents, de mettre des mitrailleuses en batterie dans le hall de leurs cafés préférés, ils se livraient devant la résidence du haut-commissaire à des manifestations de plus en plus violentes. Ils réclament avec les membres du Padesm l’arrestation des parlementaires et de tous les adhérents du MDRM, la dissolution officielle de ce parti, la condamnation à mort des principaux coupables… »
Ils se montrent donc particulièrement féroces contre ce parti qu’ils considèrent comme leur adversaire puisqu’il réclame l’indépendance et que ses membres sont très actifs dans tout Madagascar. « Mais les foudres des colons et des membres du Padesm sont dirigées contre les Merina en général, bien que l’insurrection ait éclaté sur la côte Est. » D’après l’organe du Padesm, Voromahery, dans son premier numéro,
« … partant de ce sentiment très vif de rancœur compréhensible qu’ils éprouvent vis-à-vis de leurs anciens féodaux et oppresseurs, nous arriverons peut-être à faire naitre un amour-propre salutaire » !
Texte : Pela Ravalitera - Photo : Agence nationale Taratra