«Théâtre d’une grande bataille qui a conditionné l’issue de la guerre- pour les Merina, position stratégique remarquable que ces derniers ont trop vite abandonnée- pour les Français, Andriba a-t-il été un haut lieu de la résistance malgache ou bien un endroit où l’armée de Ranavalona III a fui devant l’ennemi ?» (Le Mythe d’Andriba, Manassé Esoavelomandroso, revue d’études historiques Hier et Aujourd’hui, N°1, 1975). Faut-il alors croire au vieux dicton «Tsy mafy noho ny tany Andriba » (ce n’est pas plus ardu que ce qui s’est passé à Andriba) que les Merina utilisent souvent quand ils veulent montrer « que la situation à laquelle eux-mêmes ou des tiers doivent faire face, n’est pas plus insurmontable ? »
Revenant sur le contexte, l’historien rappelle quelques faits importants avant les opérations du 21 aout 1895, dans la région d’Andriba. Au cours de cette journée, le corps expéditionnaire français dirigé par le général Duchesne, s’oppose aux troupes merina commandées par Rainianjalahy. En effet, forts du traité du 17 décembre 1885 qui met fin au premier conflit franco-merina, les différents résidents généraux français à Antananarivo jusqu’à 1894, ne cessent de chercher tous les prétextes pour exercer un véritable protectorat sur le gouvernement merina, quitte à provoquer des incidents. De son côté, le Premier ministre Rainilaiarivony, fort lui aussi du même traité- « ou plutôt de la lettre explicative dénommée Appendice ou Protocole Miot-Patrinomio »- s’oppose « avec la dernière énergie» à tout ce qui peut entrainer une mainmise française sur le royaume de Ranavalona III.
« Cette opposition irréductible des deux protagonistes aboutit à l’ouverture des hostilités marquée par l’occupation de Toamasina, le 12 décembre 1894, et la prise de Majunga, le 14 janvier 1895. » Cette ville qui est « à peine » défendue par le gouverneur général du Boina (Boeny), Ramasombazaha, et ses troupes, deviendra bientôt la principale base du corps expéditionnaire, décidé à prendre Tananarive. Et comme Mahajanga, les forts qui jalonnent la route Mahajanga-Maevatanàna tombent, « souvent sans grandes difficultés ». Ce qui, indique Manassé Esoavelomandroso, amène Ranchot, résident général p.i. dans la capitale puis délégué du ministère français des Affaires étrangères auprès du général Duchesne, à noter dans son Journal à la date du 7 juin 1895 : « Le général en chef commence à être navré du peu de résistance que semble avoir rencontré le corps expéditionnaire. Il craint que nos troupes n’ayant pas l’occasion de rencontrer l’ennemi une bonne fois, ne s’énervent. »
Cette déclaration s’explique par le fait qu’elles ont peut-être le moral affecté par cette absence d’affrontements. Car elles sont déjà éprouvées et affaiblies par la maladie et la fatigue dues aux rigueurs du climat de la côte Ouest et aux efforts que réclame la construction de la route jugée nécessaire à l’acheminement des vivres et du matériel. Pourtant, ce sont ces mêmes troupes qui, le 8 juin, « prennent, sans essuyer aucune perte humaine, la position stratégique de Maevatanàna…» Suberbie devient ainsi la deuxième base importante du corps expéditionnaire pour ses opérations ultérieures.
Après la prise de Maevatanàna, autrement dit la perte du Boina pour les Malgaches, Ramasombazaha est destitué de son poste de commandant en chef des armées du Nord-Ouest pour devenir le second de Rainianjalahy. Ce dernier est envoyé par le Premier ministre à la tête de 5 000 hommes, dès l’annonce de la reddition de Marovoay, le 2 mai. Les troupes merina « qui doivent désormais combattre les Français » sont constituées des hommes de Rainianjalahy, « ce qui reste » des 2 000 hommes rassemblés par Rainianjalahy après la prise de Mahajanga et envoyés dans la province sous le commandement d’Andriantovy, et les « débris » de l’armée de Ramasombazaha. « Il est cependant difficile de chiffrer exactement le nombre des combattants », car les militaires sont accompagnés de leurs esclaves, parfois de leurs femmes et souvent de Sakalava qu’ils forcent à les accompagner dans leur retraite.
« Après chaque recul de leurs troupes, les officiers malgaches ne procèdent point au contrôle des soldats pour connaitre ceux qui manquent. » Une négligence dénoncée par Rajestera, commandant en second du poste de Mahabo, car elle favorise les désertions, à laquelle s’ajoute « la tendance des officiers à cacher le chiffre exact des tués lors des combats et l’insuffisance des renseignements concernant les malades. »
Texte : Pela Ravalitera - Photo : Archives personnelles