Les Collines sacrées ont au départ un privilège commun, leurs habitants sont sujets directs du roi. Mais en plus, elles ont chacune leurs prérogatives spéciales, précise Bruno Razafindrakoto-Hasina.
Les aînées des Douze montagnes ont le privilège d’être les seules invoquées dans les prières, à savoir les Six premières collines de la liste des « Tantara » (1953, Tome I). Il s’agit d’Ampandrana, Imerimanjaka, Alasora, Ambohidrabiby, Antananarivo et Ambohimanga.
Les montagnes à « ombivolavita» sont les montagnes vouées aux ancêtres. Lors du Fandroana, le roi offre de son cheptel bovin, les « ombivolavita », mais la livraison elle-même des victimes suit un ordre établi. Ambohidrabiby a le privilège d’être servie la première car elle est dite « Hasin’Imerina ». Viennent ensuite et dans l’ordre Ambohimanga, Antananarivo, Ambohidrontsy, Alasora, Ambohidratrimo, Ilafy et Namehana. « Ny ombivolavita no hanasinako azy, ary Vonizongo sy Vakinankaratra tsy nasiany trano sy rova. »
D’après les « Tantara » de 1953, Andriatsoba et Andriatsileondrafy ont leur « Tranomanara », mais leur résidence n’est pas au rang des collines sacrées car ces seigneurs n’ont pas droit aux « ombivolavita ». En revanche, Ralainanahary et Andriamasy
reçoivent des « ombivolavita ».
Bruno Razafindrakoto-Hasina propose une liste « présumée arrêtée par Andrianampoinimerina ». « À mon avis, cette liste correspond à celle des Tantara, car elle est plus conforme aux volontés d’Andrianampoinimerina. » Elle comprend 15 collines : les six déjà citées auxquelles s’ajoutent Ambohidratrimo, Ilafy, Namehana (celles des ancêtres royaux parents), Ambohidrontsy (celle des ancêtres parents), Ambohiniazy (ancêtres royaux alliés), Ambohitrondrana (ancêtres royaux vassaux, roi, ami), Kaloy (fils et femme du roi), Amboatany et Merimandroso (chefs militaires).
Bruno Razafindrakoto-Hasina interprète ensuite le concept de colline sacrée.
D’abord, elle est une projection du pouvoir royal et constitue son assise. Rendue sacrée, une colline voit s’édifier sur l’esplanade sommitale le Tranomasina ou le Tranomanara si le tombeau n’en porte pas encore, la pierre où le sacrifice du « ombivolavita » se fait lors du Fandroana, et bien d’autres objets de vénération.
Ceux-ci ne sont pas seulement symbole du pouvoir royal pour les habitants. « Ils apparaissent en outre comme sources du charisme du souverain (ou hasina) ». La Colline sacrée acquiert le « hasina » du fait qu’elle abrite en son sein les restes d’un ancêtre royal reconnu. « Le roi l’acquiert de deux façons différentes mais conjuguées ». Lors du « fisehoana », monté sur le « vatomasina », le futur roi se proclame héritier des « Douze qui ont régné ». Il revêt ensuite le caractère sacré, divin par émanation d’une « effluve magico-religieuse » du « vatomasina » (Louis Michel).
Ce « hasina » se concrétise par deux actes. Le premier est la réception du « toky » de tous les hauts dignitaires andriana et hova, en gage de soumission et de reconnaissance du
caractère divin du roi. Le second est la réception du « hasina » (volatsivaky).
Poursuivant son explication, Bruno Razafindrakoto-Hasina précise qu’Andrianampoinimerina sait relever la dignité royale que plusieurs de ses prédécesseurs auraient avilie par leurs dissensions, voire par leurs injustices. « Le roi doit être dévoué au peuple, plein d’humanité et de clémence, juste et impartial. De son côté, le peuple l’accepte comme étant maître absolu des personnes, des biens et des terres. »
La souveraineté du roi se matérialise ainsi par l’offrande des « hasina », tels les « vidin’aina», le « volatsivaky », la circoncision d’un enfant du roi, l’affranchissement d’esclave, le « vodihena », l’impôt sur la terre (Malzac, 1930).
« Par extension, le peuple adoptera aussi comme fondement de sa pensée l’idée de transfert de
pouvoir à tous les niveaux. Le culte des ancêtres en découle naturellement. »
Bruno Razafindrakoto-Hasina conclut : « Cette notion de hasina ne laisse pas de nous surprendre tant est grande son emprise sur la pensée malgache ; on la retrouve encore malgré l’impact de nouveaux systèmes de valeurs voulus par les relations avec l’étranger ou imposés par la colonisation française.»
Texte : Pela Ravalitera – Photo : archives personnelles