L’état sanitaire d’une population reflète en général, son standing d’existence et son degré de prospérité matérielle. Aussi, signale le lieutenant-colonel Mercier, médecin-chef du Bureau municipal d’hygiène d’Antananarivo, le bilan actuel de la capitale apparait-il satisfaisant et témoigne d’une amélioration rapide et notable au début des années 50.
Cette amélioration est surtout sensible concernant deux affections transmissibles par des insectes vecteurs. Ce résultat est dû à des opérations massives de désinsectisation domestique entreprises par l’Administration municipale fin 1949 et poursuivies sans interruption depuis lors, et qui viennent compléter les résultats des immunisations obtenues par des vaccins depuis quelques années.
En effet, de toutes les affections endémo-épidémiques locales, la peste et le paludisme se signalent encore à l’époque par l’ampleur ou la gravité de leurs manifestations. La première est plus spectaculaire, la seconde plus insidieuse est beaucoup plus meurtrière pour la collectivité et, de ce fait, plus importante par ses répercussions démographiques, ses conséquences économiques et ses incidences sociales.
Apparue à Antananarivo en juin 1921, la peste sévit sans arrêt depuis cette date et
souvent sous forme pulmonaire, donc toujours mortelle. Au bout de vingt neuf ans et de plus de 2 000 cas européens et autochtones, elle se tait dans la ville d’Antananarivo où le dernier cas remonte au 10 août 1949. « C’est la première fois qu’un tel silence de deux années est observé depuis trente ans. »
Pour ce qui est du paludisme, « tous mes renseignements concordent pour permettre d’affirmer son recul » : régression du nombre et de la vitalité des espèces vectrices, abaissement des index hématologiques dans les collectivités surveillées, diminution du nombre et de la fréquence des indisponibilités dans les services publics et les entreprises, régression de la morbidité et de la totalité par paludisme.
En particulier, la mortalité autochtone par paludisme régresse déjà en 1949, à la suite de la mise en œuvre de la chimioprophylaxie dans les formations de l’Assistance médicale indigène et dans les écoles. Ainsi, elle décline surtout en 1950, à partir de l’application des méthodes de lutte par des insecticides à action rémanente comme en témoignent les chiffres. Si en 1946, le nombre de cas de décès par paludisme (population malgache) est de 843 (588,67 pour 100 000 habitants), il chute à 189 (118,42 pour 100 000 habitants) en 1950 soit une diminution de près de 80% depuis 1946 et de plus de 50% entre 1949 et 1950.
Durant cette même période et alors que la population autochtone s’accroit de plus de 11%, la mortalité générale décroit elle-même dans de notables proportions (plus de 40%). Car le nombre des décès (sauf morts-nés) enregistrés au BMH, passe de 3 959 en 1946 à 2 655 en 1949 et 2 315 en 1950.
Enfin, le paludisme qui , en 1946 et 1947, le premier rang dans les causes de mortalité, occupe en 1950 le 4e rang, après les affections des voies respiratoires, du tube digestif et même de l’appareil circulatoire. La mortalité des Européens et assimilés est également influencée d’une façon identique et le nombre des décès par paludisme diminue de 31 en 1946 à 10 en 1950, tandis que le nombre des décès enregistrés au BMH diminue de 20% (161 en 1950 contre 201 en 1946), malgré une augmentation de près de 14% de la population européenne.
Cette double diminution parallèle de la mortalité par paludisme et celle plus générale pour l’ensemble de la population européenne et autochtone, est surtout sensible à partir de cette année 1950. « Elle témoigne en faveur du recul de l’endémie palustre et coïncide incontestablement avec l’application conjuguée de la chimioprophylaxie et des opérations d’house-spraying. »
D’après le Dr Mercier, les diverses maladies transmissibles ne revêtent pas, en général, à Antananarivo, une forme pathologique plus grave ni une forme épidémiologique plus extensive qu’en France. Coqueluche, fièvres et maladies éruptives de l’enfance, tétanos, grippe, pneumococcies et même affections typhoïdes, méningite cérébro-spinale et diphtérie n’y sévissent pas avec plus d’intensité et s’y sont seulement manifestés que sous la forme sporadique. La poliomyélite, depuis la poussée épidémique de 1946-1947 où l’on enregistre 125 cas en quatre mois, ne se manifeste plus depuis lors que par cas isolés.
Enfin, durant cette période, les maladies sociales ne s’y développent pas non plus avec une intensité notablement supérieure à celle des grandes agglomérations françaises. « Si la tuberculose et surtout la syphilis y sont un peu plus répandues parmi la population autochtone, les affections respiratoires et digestives tiennent désormais le premier rang dans les causes de morbidité et de mortalité depuis le recul du paludisme, tandis que les manifestations de l’endémie lépreuse se réduisent chaque année. »
Texte : Pela Ravalitera – Photo : Archives personnelles