Après le triste évènement de Vorokotsy (lire précédente Note), des émissaires venus du Sakalava (Menabe) se présentent devant Andriamandresy pour le ramener dans son pays, à la demande de ses parents, dit-on. Personne ne les connait. « Et quant aux raisons pouvant
légitimement motiver le retour d’Andriamandresy dans son milieu d’origine, elles demeurent ténébreuses » (Théodore Raharijaona, « Les Antaisaka, des origines à nos jours », 1967). Aussi Andriamandresy ne se cache-t-il pas les dangers qui planent sur lui. Néanmoins, il accepte de partir avec les émissaires. Toutefois, avant de partir, il laisse à ses beaux-parents et à tout son entourage de strictes recommandations.
« La venue de ces gens annonce la fin très prochaine de mes jours. Mais quelque triste que soit un augure, il ne doit nullement constituer un empêchement à mon départ. Ainsi s’accomplira le cours du destin… Je vous confie ma femme. Veillez à ce que rien ne lui manque. Et lorsque viendra le jour de sa délivrance, entourez-la de tous les soins nécessités par son état. Pour ce qui est de l’enfant qui naitra, vous lui témoignerez de toutes les marques d’affection que vous m’auriez portées à moi-même, car c’est lui qui assurera la continuité de ma dynastie. »
Andriamandresy rappelle les tabous qu’il faut respecter en élevant son enfant, notamment celui qui consiste à ne pas lui servir de la viande, de bœuf ou d’autre animal, oiseau compris, égorgé par un homme du commun. « Gardez-vous bien de servir pareille viande à mon enfant et à ses descendants car l’inobservation de ce précepte leur sera fatale ainsi qu’à vous mêmes. Un inévitable danger s’ensuivra, en effet, qui étendra ses funestes conséquences sur tout le pays. »
Ces paroles ne peuvent qu’émouvoir toute l’assistance, surtout Ratsiavela qui fait peine à voir. Ramarovahiny promet à son gendre de suivre strictement ses recommandations. Ceux qui sont venus du Menabe avec lui se récrient : « Nous vous avons enlevé des griffes de vos parents qui cherchaient à vous supprimer du nombre des vivants. Nous nous sommes fait le sacrifice de quitter notre pays pour protéger et assurer votre fuite. Nous vous déconseillons donc vivement d’y retourner, car vous iriez au devant de votre perte. Si malgré tout vous y tenez absolument, libre à vous. Mais alors, vous ne vous ferez seulement accompagner que de vos esclaves puisque nous, nous restons ici. » Ils lui font cependant un serment :
« Lorsque votre enfant fera son apparition sous le soleil, soyez rassuré que c’est de nous mêmes qu’il tiendra la royauté pour faire éclater dans ce pays la gloire de vos ancêtres. »
Andriamandresy fait aussi don à sa femme de plusieurs choses merveilleuses qu’il tient cachées jusque là et dont personne ne soupçonne l’existence : une paire de pagnes brillamment frangés sur les deux bouts que Ratsiavela devra utiliser quand son enfant aura quelques mois pour le porter sur son dos, trois lambalandy savamment confectionnés, une douzaine de bracelets en argent massif (vangovango) dont la moitié pour homme et l’autre pour femme. Après les avoir remis à sa femme, Andriamandresy lui prescrit de garder le silence sur ces biens et de ne les porter qu’après son accouchement.
Andriamandresy part alors rejoindre ceux qui sont venus le chercher, n’emmenant avec lui que Kotomity. Toutefois, en arrivant à Ilanana, il refuse de continuer plus loin et est sagayé sur place par les envoyés du Sakalava. Dès lors, il lui est consacré le nom d’Andriamandresiarivo, en commémoration de la victoire qu’il remporte sur le village de Vorokotsy.
« Aujourd’hui encore (années 60) lorsque les descendants d’Andriamandresiarivo viennent à passer à côté de l’endroit où leur illustre aïeul a été tué, ils ne manquent pas d’y faire une offrande et d’adresser des prières à l’esprit du disparu afin qu’il leur soit bénéfique. »
Arrive le jour de délivrance de Ratsiavela qui accouche d’un garçon. Aucune des recommandations d’Andriamandresiarivo n’est négligée. À la fin de la période obstétricale, la mère sort vêtue de ses beaux habits et parée de ses brillants bijoux. Tout le monde l’admire avec une envie non dénuée de respect.
« Ici chez nous, lorsque vous voyez une personne possédant de belles choses sur elle, évitez de l’envier ouvertement et surtout de désigner ces belles choses par les qualificatifs appropriés. Car s’il arrive à cette personne un malheur quelconque, on ne manquera pas de dire que vous êtres un détenteur de pouvoir maléfique et que vous lui avez perturbé la santé en lui jetant le mauvais sort. » C’est ainsi que les sujets du père de Ratsiavela, s’émerveillant devant le très beau pagne dont elle est ceinte pour porter son enfant, disent : « Mba ratsy etry re, izy ity ! » (Ah ! qu’il est porté avec un pagne affreux !) L’habitude prend racine et l’enfant finit par être appelé Ratsietry !
Les soins dont l’enfant est entouré, contribuent beaucoup à sa santé et à sa croissance. Et malgré sa jeunesse, on lui donne une compagne.
Texte : Pela Ravalitera – Photo : Archives personnelles