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Channel: Notes du passé – L'Express de Madagascar
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Les raisons de la résignation du prince Ratefy

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Le prince Ratefy est prêt à défendre les droits de son fils au trône d’Imerina et c’est dans ce sens qu’il monte à Antananarivo  à l’annonce de la mort de Radama Ier. Mais l’annonce à Ambatoharana du décès de son fils, bouleverse tout. Il n’est plus question pour lui de faire un roi (lire précédentes Notes).
« Pourtant, cette mort aurait dû être pour lui une raison de se rendre à Tananarive pour demander des comptes et pour essayer de rétablir une situation qui ne pouvait qu’être préjudiciable à lui-même et sa famille au sens large » (Jean Valette, archiviste paléographe). Mais ce n’est pas son attitude, bien au contraire.
Tout d’abord, il reconnait l’autorité de Ranavalona Ire lui prêtant, entre les mains de Rainin­gitabe, le serment d’allégeance et en cherchant à se défendre contre l’accusation d’avoir quitté son poste sans autorisation. En fait, « il contredit sinon annule son serment d’allégeance en amorçant une intrigue anglaise et il est manifeste qu’il a peur, qu’il renonce à toute lutte et qu’il s’abandonne avec fatalisme à son sort». Un sort dont il sait, dès Ambato­harana, qu’il sera tragique.
Pour expliquer cette attitude passive, Jean Valette écarte plusieurs points. Le premier est
l’absence de nouvelles d’Antanana­rivo et donc la méconnaissance des évènements qui s’y déroulent. À Ambatoharana, en rencontrant  Rainingitabe, il apprend que Ranavalona Ire expédie des troupes sur la côte Est et qu’il peut supposer que celles-ci sont choisies en fonction de leur fidélité à la nouvelle souveraine. Cette expédition armée implique également que la reine tient bien en main la situation en Imerina, puisqu’elle n’hésite pas à distraire une partie de ses forces pour s’assurer de la fidélité des provinces. « Ces deux séries de nouvelles apprises à Ambatoharana avaient de quoi peser sur les décisions prises par Ratefy et modifier sa première détermination. »
Toutefois, la nouvelle reine laisse planer un doute sur au moins un point : le sort réservé aux gouverneurs des provinces côtières, en particulier Rafaralahy, Robin et Ratefy. Verchère-Raffy confirme que les deux premiers sont laissés pendant un mois sans recevoir de nouvelles positives sur leur maintien ou non dans leurs fonctions. Robin fait même l’objet de lettres contradictoires. Cette incertitude peut expliquer leur laxisme d’autant qu’ils ne sont pas impliqués directement dans les conséquences immédiates de la succession. Ce qui n’est pas le cas de Ratefy : l’assassinat de son fils peut lui laisser présager son propre sort et devrait l’inciter à s’entendre avec ses collègues. « Ranavalona Ire semble avoir joué de façon à ce que ce danger soit écarté. »
Le deuxième point évoqué pour expliquer son attitude est la faiblesse des moyens dont il dispose. Les forces militaires sur lesquelles il pourrait compter, sont dérisoires : 200 soldats restés à Toamasina qui ne pourraient s’opposer au contingent beaucoup plus important que commande Rainingitabe et qui pourrait être renforcé si besoin est.
Jean Valette relève cependant d’autres considérations. Ratefy est un grand personnage au moment du décès de Radama. Outre le fait qu’il est le père de l’héritier présomptif et le mari de la sœur du roi, il a une position personnelle d’importance. Par ses origines d’abord, il est d’ascendance royale. Certes, son père se rallie à Andria­nampoinimerina et la monarchie reconnue depuis lors en Imamo est celle d’Antananarivo, mais « Ratefy n’en est pas moins resté un grand feudataire, un grand vassal, c’est-à-dire qu’il possède lui-même des liens multiples qui l’unissent à ses anciens sujets qui sont, en de nombreux cas sans doute, ses vassaux ».
De même, grand dignitaire de la Cour de Radama, il devrait se tisser toute une série de liens, voire de complicités, avec de nombreux personnages qui gravitent autour de Radama. Enfin, général- et général heureux- placé par Radama à la tête de multiples fonctions, il aurait dû se créer, là aussi, des amitiés sur lesquelles il pourrait compter. Ce qui n’est pas le cas. En aucun moment, il ne semble penser qu’il peut s’appuyer sur des éléments fidèles et, « chose curieuse », il ne semble non plus s’être concerté avec Rafaralahy, pourtant lui aussi beau-frère de Radama. Et « d’ailleurs, on ne constate en sa faveur ni soulèvement populaire, en Imamo par exemple, ni même appel à la clémence ou intervention en sa faveur lors de son procès, susceptibles d’amener, pratiquement parlant, la reine à l’épargner ».
Troisième et dernier point : l’explication de l’attitude de Ratefy doit être recherchée dans son caractère même. Verchère-Raffy le dépeint comme tout doué d’un grand caractère, mais il dément ce jugement quelques lignes plus loin : « Il est très chagrin et surtout fort inquiet… Il craint d’être sacrifié… »
Quant à Lyall, il brosse de Ratefy un « portrait moral assez pessimiste » : « … bien que Ratefy ne soit jamais apparu comme quelqu’un de réellement énergique… » Ce manque d’énergie, joint aux autres causes, explique son attitude toute de passivité. « Il était certes courageux au combat, il l’a souvent montré, mais il ne possédait pas la grandeur d’âme  qui fait réellement les chefs. Il a été dépassé par son destin, il y a perdu la vie. »

Texte : Pela Ravalitera – Photo : Agence nationale Taratra


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