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Channel: Notes du passé – L'Express de Madagascar
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Des enquêtes menées pour un Code unitaire, authentiquement malgache

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Une de nos récentes Notes mentionne une étude sur de nombreux recueils de décisions judiciaires, réalisée par le service des Archives de la République. Au début des années 1960, un juriste en dégage les règles qui définissent le rôle du pouvoir judiciaire de l’ancien État malgache et en fait ressortir quelques principes. Il distingue, entre autres, six grands groupes de coutumes malgaches qui se rapprochent par leurs tendances générales et certaines particularités (Sud-est, Sud, Ouest, Betsimi­saraka, Nord et Centre) et qui fixent le droit traditionnel malgache en 1896, auquel s’ajoute le Code des 305 articles en Imerina.
Il précise qu’une situation nouvelle naîtra à la fin du XIXe siècle.
« Des facteurs nouveaux apparaissent, qui vont modifier les conditions d’évolution du droit traditionnel écrit et des coutumes : instrument de conservation d’un système social, la coutume était, en effet, inséparable de l’existence de la société traditionnelle, solidaire, et des transformations de cette société, sous l’effet de ce que le sociologue Georges Balandier a appelé la Situation coloniale.»
La création de nouveaux types de juridictions dans les pays nouvellement colonisés et la notion d’ordre public « colonial », l’introduction « progressive » du droit français qui supplantera « l’influ­ence anglo-saxonne », la « doctrine de l’assimilation » et le système de l’administration directe, les bouleversements intervenus dans la vie économique interne constituent autant de facteurs qui vont cristalliser les coutumes, transformer les notions juridiques traditionnelles, rapprocher le droit moderne du droit coutumier à tel point que « le droit traditionnel dans les sociétés dominées est devenu le prolongement de la législation imposée par la Nation tutrice ».
Se faisant l’interprète des juristes français, le Pr  David écrit: « La difficulté de connaître, dans son contenu et plus encore dans son esprit, le droit autochtone est considérable et, soit lorsque le contenu de ce droit ne nous apparaît pas clairement, soit qu’il nous paraît choquant, nous avons une tendance instinctive à faire prévaloir nos propres conceptions, si peu adaptées qu’elles soient aux populations qui leur sont ainsi soumises. Des raisons à la fois idéologiques et techniques nous conduisent facilement à admettre soit la prépondérance d’une loi ou des conceptions européennes, soit une présomption d’identité du droit autochtone avec notre propre droit. »  Plus loin, il conclut : « On cherche beaucoup moins à comprendre les doctrines orientales en elles-mêmes qu’à les réduire aux conceptions occidentales, ce qui revient à les dénaturer complètement. »
Toutefois, dans la Grande île, le droit traditionnel et les coutumes survivent non seulement grâce aux documents, mémoires, monographies, ouvrages d’ethnosociologie, ainsi qu’aux livres de droit et d’histoire qui constatent les coutumes et les transmettent, mais également par « la fidélité, l’attachement de la population à ces coutumes dont l’application, même si elle échappait au contrôle des juridictions, est constante». C’est pour cela qu’au début de l’Indépen­dance, la Commission de rédaction du Code civil s’attèle à la recherche des coutumes vivantes en organisant une vaste enquête nationale sur les institutions juridiques relatives au droit de la personne et de la famille. Car au départ, le législateur doit  disposer d’une matière brute, neutre, constituée par le résultat d’une enquête menée auprès de tous les groupes ethniques.
L’enquête porte essentiellement sur le statut personnel au sens large. « L’enquête devait se borner à constater les coutumes qui avaient un caractère juridique, qui créaient un droit : la recherche devait donc s’effectuer dans une perspective utilitaire et la constatation des coutumes trop anciennes ou peu suivies, aussi intéressantes soient-elles pour l’historien, n’a été qu’accessoire. » Dès le début, les enquêteurs doivent déterminer quelles sont les tendances fondamentales des coutumes. Cette recherche peut effectivement contribuer « à orienter le futur code civil vers une unification au droit ». Et c’est aux autorités administratives et aux enquêteurs d’assumer la délicate mission d’expliquer aux populations qu’il est « de leur devoir et de leur intérêt de répondre avec conscience et avec la plus grande franchise aux questions posées, et d’exposer à ces populations les tendances du futur code ». C’est-à-dire « un code tendant à l’unification, à la modernisation et surtout un code authentiquement malgache ».
L’attention des participants est attirée sur deux préoccupations. D’abord, l’enquête ne doit pas éveiller chez les populations concernées des « tendances particularistes » qui risquent de nuire à l’unification progressive ; ensuite, elle doit être objective et ne faire, en aucun cas, état des préoccupations politiques. Les enquêtes sont menées, pendant plusieurs mois, dans les petits villages auprès des paysans comme des anciens et des chefs traditionnels. La masse des réponses est, une première fois, examinée par des commissions provinciales de constatation des coutumes, et fait ensuite, l’objet d’un rapport de synthèse qui est le document de base de la commission de rédaction.
Et le juriste de conclure : « Il n’existe pas une antinomie profonde entre les différents usages et coutumes. C’est pour nous une preuve supplémentaire de l’unité des différentes sociétés malgaches. »


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