Quantcast
Channel: Notes du passé – L'Express de Madagascar
Viewing all articles
Browse latest Browse all 628

La légende de la première consommation du bœuf en Imerina

$
0
0

De savants ethnographes décèlent, dans le peuplement de Madagascar, des origines diverses, sud-asiatiques en majorité, et une faible partie de la population, européenne et africaine, à laquelle s’ajoute un élément créole des Mascareignes. Et comme la population qui s’en nourrit, la cuisine locale est composite.
Toutefois, selon des chroniqueurs européens (lire précédente Note) si l’apport négro-africain se réduit à presque rien, la préparation du manioc et de ses feuilles pour la consommation par exemple, l’apport asiatique est fondamental. La technique du riz importée par les Indonésiens, se traduit sur le plan culinaire par des préparations conformes à celles de leur pays d’origine.
En tant qu’aliment de base, le riz est consommé, en général, cuit à l’eau et sans addition d’autres éléments puisque, selon divers chroniqueurs en 1952 (lire présente Note), les mots malgaches, « vary maina » ou « ampangoro » désignent ce qu’il est convenu d’appeler le « riz créole ».  Les variétés de riz utilisées sont très nombreuses et de qualité supérieure, puisqu’il est admis que le « vary lava » local est la souche des riz de Caroline. C’est encore avec le riz qu’on prépare cette boisson traditionnelle, « qui rappelle de loin le thé », et que l’on nomme « ranon’ampango ». C’est une décoction à l’eau de ces éléments de riz, plus ou moins rôtis, plus ou moins brulés qui s’attachent au fond de la marmite.
Le riz est rarement consommé au naturel. Au moment de le manger, on y incorpore presque toujours d’autres préparations qui sont, en général, des sauces ou des bouillons de viandes et de légumes divisés presque toujours en menus morceaux, comme en Extrême-Orient. La variété et l’abondance de ces préparations ont également un caractère asiatique.
Les chroniqueurs, cités plus haut, évoquent le repas du 25 juin 1855, organisé chez
le Premier ministre Raharo ou Rainivoninahitriniony et offert par Ranavalona Ire à Lambert et au père Finaz à leur arrivée à Antananarivo. Ils donnent un extrait du journal de ce dernier qui relate « ce festin digne d’un grand Mogol ».
« Tout ce que produit Madagascar, toutes les espèces de gibiers, les animaux domestiques, les fruits et les plantes de la terre, ce qui vit dans l’eau ; en un mot, tout ce qui se mange, depuis le veau arraché au ventre de la mère pleine depuis trois mois seulement et qu’on tue pour en tirer ce mets délicat, jusqu’à de petites sauterelles rares et très recherchées, délices des Grands, et une espèce de cancrelat qui vit dans l’eau… C’eut été une impolitesse de ne pas gouter de tous les plats ; ces mets étaient accommodés au suif… nous avons bien vu paraitre sur la table 150 à 200 mets… Si M. Lambert n’avait pas insisté pour quitter la salle, nous y serions restés vingt-quatre heures… mais quel supplice affreux pour nous trois Français de rester ainsi à table dix heures et demie, condamnés à manger tout ce qui était représenté ! »
Les viandes rôties ou grillées ne sont cependant pas inhabituelles. La cuisine « bouillie », la plus usuelle, est une technique des femmes et s’explique par le manque ou la rareté des combustibles rapides puisque l’on se sert de feux lents ou faiblement alimentés d’herbes sèches, « bozaka », quand ce n’est pas de bouses de vaches séchées. La technique des viandes rôties est l’apanage des hommes, c’est même au premier chef la préparation noble et royale, par excellence. À préciser que les repas « katsakatsa » ou « ketsaketsa » et « ro » sont composés de potages et de bouillons, tandis que la cuisine « ritra » est à base de viandes cuites à l’étouffée.
La légende s’en mêle et on rapporte que le roi merina, Ralambo, se rendant un jour à sa résidence d’Ambohidrabiby, rencontre sur son chemin de superbes bœufs dont le nom ancien malgache est « jamoka ». Il lui vient l’idée d’en manger, « ce qui, semblait-il, n’avait jamais eu lieu ». Il ordonne à ses esclaves d’en tuer un et de le faire rôtir avec soin. La bosse du bœuf, une fois bien préparée, exhale un parfum délicieux. Le roi en a l’eau à la bouche, mais craignant qu’elle ne soit nuisible, il en fait d’abord manger à tous ceux qui l’entourent et comme personne n’est incommodé, il se décide à en gouter lui-même et la trouve exquise.
Heureux de sa découverte, il fait construire  un vaste parc dans lequel il enferme un grand nombre de bœufs (« omby » pour dire qu’ils ont tous pu entrer) et ordonne de les engraisser avec soin. Il convoque ensuite une grande assemblée et dit à son peuple : « Tous ces bœufs m’appartiennent ; j’en ai gouté la chair et je la trouve excellente, surtout la bosse et le vodihena (arrière-train). Or, je me réserve la partie supérieure de la bosse parce que personne ici n’est au-dessus de moi ; je me réserve pareillement la partie postérieure de l’animal parce que, dans ce royaume, la fin est à moi. »
Pour perpétuer le souvenir de son heureuse découverte, Ralambo établit, dit-on, une fête annuelle dont la viande de bœuf entier fera les frais. C’est la fête du Bain, « Fandroana », célébrée le premier jour de la lune Alahamady qui l’a vu naitre.


Viewing all articles
Browse latest Browse all 628

Trending Articles