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Channel: Notes du passé – L'Express de Madagascar
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Les « étrangetés » des demandes de Woodford

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Malgré les demandes d’audience insistantes de l’Américain Woodford et l’envoi de son projet pour contrer les Français, le Premier ministre Rainilaiarivony semble n’y accorder aucune suite, estime Jean Valette. À l’occasion du centenaire des relations américano-malgaches, l’archiviste paléographe donne une conférence sur celles-ci le 3 décembre 1966. Aussi, le 7 mai 1895, Woodford croit-il devoir faire de nouvelles propositions sous forme d’un projet de convention qui prévoit l’envoi d’une lettre de la reine Ranavalona III au président des États-Unis, la fourniture de 40 000 dollars d’armes et de 10 000 dollars de navires. « Ces navires qui auraient, en quelque sorte, relevé des deux gouvernements intéressés, arboreraient de jour les drapeaux américain et malgache, et la nuit des feux rouges et blancs. Véritables corsaires, ils auraient été dotés de lettres de marque et 15% de leur butin serait revenu au gouvernement malgache. »
Woodford, « qui ne s’oubliait pas », demande pour lui le titre d’amiral de la Flotte en même temps que celui de consul général à Washington. La clause des deux ports à concéder aux Américains est également prévue.
Le 9 mai, l’Américain demande une nouvelle audience au Premier ministre pour lui communiquer des nouvelles importantes. Selon Jean Valette, rien ne prouve qu’il ait pu l’obtenir. En tout cas, le 21 mai, on le retrouve au village d’Andraisoro où la maladie le terrasse sur le chemin du retour et où il doit s’arrêter. Il en profite pour écrire une nouvelle fois à Rainilaiarivony afin de lui demander de reprendre l’examen de ses propositions et de les étudier soigneusement. « Ce qui est la preuve que jusqu’alors le Premier ministre ne leur avait accordé qu’une très faible attention. »
Une autre question est soulevée par l’archiviste paléographe, l’affaire Waller. « En effet, le consul Waller, malgré son immunité, fut arrêté à Tamatave dès l’arrivée des troupes du commandant Bien-aimé, en décembre 1894, déféré à une cour prévôtale et condamné à dix ans de travaux forcés. »
Jean Valette explique en détail les « demandes exorbitantes » de l’Américain. Il demande que le gouvernement merina lui accorde une dizaine de privilèges. À savoir le droit de fonder une banque royale de Madagascar au capital d’un million de dollars. Le droit de battre monnaie au nom du gouvernement malgache à concurrence de 500 000 dollars par an. Cette monnaie serait basée sur le dollar partagé par moitié entre le gouvernement malgache et Woodford,
l’argent étant estimé à sa valeur marchande. Toujours dans ce domaine, il réclame le droit d’émettre des billets de banque ayant cours légal dans tout Madagascar et d’un montant égal à 90% du capital versé. Le droit d’émettre tous les emprunts gouvernementaux, moyennant 3% de commission et de faire au gouvernement, sur sa demande, des avances temporaires au taux de 12% l’an.
Woodford désire aussi la concession d’un terrain à Antananarivo ou ailleurs, pour édifier des immeubles destinés à une banque ou une compagnie ; le droit exclusif d’utiliser le coton malgache ainsi qu’une concession de 500 000 acres de terres à choisir par lui-même, pour cultiver le coton, tant sur les côtes que sur les Plateaux. Il est également question du droit exclusif de fabriquer des tôles, du fer en barre, des rails, ainsi que des fusils, des canons, des navires et des ponts, sous réserve de ne pas concurrencer les fabriques malgaches existantes ; du droit exclusif de fabriquer du papier avec des chiffons, des graminées ou des bois ; du droit exclusif de distiller de l’alcool de grains ou de tous autres produits pour la fabrication du whisky, des eaux de vie, du gin, etc., en s’engageant à ne pas porter préjudice aux procédés locaux de distillation de la canne à sucre.
L’Américain réclame également, le droit de construire quatre lignes de chemins de fer à partir de la capitale vers le Nord, le Sud, l’Est et l’Ouest, dès que l’indépendance de Madagascar sera assurée et suivant les conditions à arrêter par la suite ; le droit de choisir quatre ports comme terminus de chacune de ces lignes, avec le droit d’y faire exécuter des travaux portuaires et de percevoir les taxes d’utilisation, et la concession de quatre lots de terrains dans chacune des quatre régions de l’ile pour les besoins du chemin de fer.
Il demande, par ailleurs, le droit d’exploiter toutes les mines de Madagascar, « étant tout spécialement entendu que la participation du gouvernement sera en rapport avec le montant du capital souscrit tant en argent qu’en main-d’œuvre » ; le droit d’importer en franchise tout ce qui lui sera nécessaire comme outillage, instruments, matériaux destinés à la bonne exécution des stipulations de cette convention. « Celle-ci restera en vigueur, pendant une période de cinquante ans, avec possibilité de renouvellement pour une nouvelle période de vingt cinq ans, moyennant un paiement comptant de cinq millions de dollars. »
Mais, comme dit précédemment, il semble que Rainilaiarivony n’ait jamais écrit à Woodford ni répondu à ses propositions. Selon Jean Valette, « leur étrangeté serait une raison suffisante pour expliquer cette fin de non recevoir »


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